Some time ago, I read in the November-December 2023 issue of The Gay & Lesbian Review a short piece by Dale Boyer where he recounts how he stumbled upon a translation of the novel while browsing in a second-hand bookstore in Savannah. I am amazed to discover that this hefty novel, which never received the success it deserves in France, has been translated into English. It was published by Knopf in 1999. I found a copy in excellent condition for a few dollars on Abebooks. The brief preface by the translators, Luc Brébion and Timothy Crouse, is refreshing and makes me want to dive back into the text:
“During the seven years we were engaged in the project, people often asked why we chose to invest so much time in such a formidable task. Our reply always remained the same: that Lieutenant-Colonel de Maumort stands as one of the greatest novels of the twentieth century.”
This is a book that justifies reviving this blog, which had been left languishing for a few years. Roger Martin du Gard’s last novel, unfinished at his death in 1958, was first published in 1983 thanks to the remarkable work of André Daspre in the La Pléiade collection. I have this edition, now out of print, in my library along with a more recent reissue in Gallimard’s Blanche collection. Martin du Gard devoted the last 17 years of his life to it. He only envisaged publication after his death. He put a very intimate part of himself into it.
After the publication of the end of “The Thibaults” in January 1940, Roger Martin du Gard was looking for a new project. In 1941, he took refuge in Nice after the French defeat. During a sleepless night, the idea for his novel came to him: “I imagine, in the summer of 1940,” he wrote in his journal, “an old recluse, Colonel de Maumort, in his castle occupied by the Germans. Prisoner of events, relegated to his library where he had a bed set up, while the house is handed over to a demanding, noisy, correct staff. He is there, alone with his old household servants; the man is his orderly, twenty years in his service… He begins to keep a journal of the occupation from the first days, which becomes a collection of reflections, memories, memoirs.”
“I believe I have a rich subject here. Everything can find its place: thoughts of all kinds on current events; the meditations of a cultured old man on the world and life, portraits of people he has known; the adventures he has gone through and enjoys recounting in detail; confidences, reminiscences of a septuagenarian free to say everything without reservation because he is alone in the world. (His wife is dead, his two sons were killed during the First World War.)”
“A work of long breath – so to speak endless – where I can give a place to all my previous projects, to all my notes, as well as to my personal reflections in the face of world events.”
As it is presented today in André Daspre’s edition, based on documents kept in a trunk after Martin du Gard’s death in 1958, the book of over a thousand pages essentially consists of the memoirs of Lieutenant-Colonel de Maumort. Only the early parts concerning childhood, adolescence, and student life in Paris are written continuously. They have been extensively worked on and constitute a text that can be considered practically definitive. The rest is in the form of drafts or outlines. It is this part of Maumort’s life, very focused on the development of sexuality, especially homosexual inclinations, that seems to have interested Martin du Gard the most. He was aware of this and feared that, if published in its current state, critics would find his work indecent.
A prominent character in the novel is Xavier Delcourt, the young tutor who comes to take care of young Maumort and his cousin in the family estate in Perche. The future memoirist observes the ambiguous relationships that develop between his cousin and Xavier Delcourt, who is homosexual. Further into the narrative, there is a kind of short story presented as an excerpt from a journal that fell into Maumort’s hands. Xavier’s journal. It is a love story between him and a teenage apprentice baker in a village on the Marne, one summer, during military maneuvers. When I read it for the first time, I found it particularly moving.
Il y a quelque temps déjà, j’ai lu dans le numéro de The Gay & Lesbian Review de novembre-décembre 2023 un court papier de Dale Boyer où il raconte comment il est tombé sur une traduction du roman en fouinant dans une librairie de livres d’occasion à Savannah. Je tombe des nues en découvrant que ce gros roman, qui n’a jamais eu le succès qu’il mérite en France, a été traduit en anglais. Publié chez Knopf en 1999. Je trouve un exemplaire en excellent état pour quelques dollars sur Abebooks. La courte préface des traducteurs, Luc Brébion et Timothy Crouse, est rafraichissante et me donne envie de retourner au texte :
« During the seven years we were engaged in the project, people often asked why we chose to invest so much time in such a formidable task. Our reply always remained the same: that Lieutenant-Colonel de Maumort stands as one of the greatest novels of the twentieth century.»
Voilà un livre qui justifie la reprise de ce blog laissé moribond il y a quelques années. Dernier roman de Roger Martin du Gard, inachevé à sa mort en 1958, il a été publié pour la première fois en 1983 grâce au travail remarquable d’André Daspre dans la bibliothèque de La Pléiade. J’ai cette édition, maintenant épuisée, dans ma bibliothèque ainsi qu’une réédition plus récente dans la collection Blanche de Gallimard. Martin du Gard y a consacré les 17 dernières années de sa vie. Il n’envisageait une publication qu’après sa mort. Il y a mis une part très intime de lui-même.
Après la publication de la fin des Thibault en janvier 1940, Roger Martin du Gard est à la recherche d’un nouveau projet. En 1941 il s’est réfugié à Nice après la défaite française.
Au cours d’une nuit d’insomnie l’idée de son roman lui apparaît : « J’imagine, en été 1940, » écrit-il dans son journal, « un vieux solitaire, le colonel de Maumort, dans son château occupé par les Allemands. Prisonnier des événements, relégué dans sa bibliothèque où il s’est fait dresser un lit, tandis que la maison est livrée à un état-major exigeant, bruyant, correct. Il est là, seul avec son vieux ménage de domestiques ; l’homme est son ordonnance, depuis vingt ans resté à son service. (…) Il commence à tenir un journal de l’occupation de de les premiers jours, devient un recueil de réflexions, de souvenirs, des Mémoires. »
« Je crois tenir là un sujet foisonnant. Tout y peut trouver place : des pensées de tous ordres sur l’actualité ; les méditations d’un vieillard cultivé sur le monde et la vie, les portraits des gens qu’il a connus ; les aventures qu’il a traversées et qu’il se plaît à conter en détail ; les confidences, les retours en arrière d’un septuagénaire libre de tout dire sans réticence parce qu’il est seul au monde. (Sa femme est morte, ses deux fils ont été tués pendant la guerre de 14-18.) »
« Œuvre de longue haleine – pour ainsi dire sans fin -, où je puis faire un sort à tous mes projets antérieurs, à toutes mes notes, comme aussi à mes réflexions personnelles devant les événements du monde. »
Tel qu’il se présente aujourd’hui dans l’édition d’André Daspre, établie d’après les documents conservés dans une malle après la mort de Martin du Gard en 1958, le livre de plus de mille pages comprend essentiellement les mémoires du lieutenant-colonel de Maumort. Seules les premières parties qui concernent l’enfance, l’adolescence et la vie d’étudiant à Paris sont rédigées de façon continue. Elles ont été longuement travaillées et constituent un texte qui peut être considéré comme pratiquement définitif. Le reste est à l’état d’ébauche ou de plan. C’est cette partie de la vie de Maumort, très tournée vers le développement de la sexualité, en particulier les penchants homosexuels, qui semble avoir le plus intéressé Martin du Gard. Il en était conscient et craignait, en cas de publication en l’état, que la critique ne trouve son ouvrage indécent.
Un personnage de premier plan dans le roman est Xavier Delcourt, le jeune précepteur qui vient s’occuper du jeune Maumort et de son cousin dans la propriété familiale du Perche. Le futur mémorialiste observe les rapports ambigus qui s’établissent entre son cousin et Xavier Delcourt qui est homosexuel. Plus loin, enfui dans le récit, il y a une sorte de nouvelle présentée comme un extrait de journal tombé entre les mains de Maumort. Le journal de Xavier. C’est une histoire d’amour entre ce dernier et un adolescent apprenti boulanger dans un village au bord de la Marne, un été, pendant des manœuvres militaires. Lorsque je l’ai lue la première fois, je l’avais trouvée particulièrement émouvante.
Gabriel François